En bonne santé économique, le secteur attire de nombreux candidats. Mais il est confronté à un turnover important ainsi qu’à la difficulté à recruter des agents de sécurité, métier pourtant en tension. Peut-être est-ce le résultat d’une mauvaise connaissance des réelles attentes des entreprises.
Conséquence des attentats de 2015, le secteur de la sécurité privée s’est très nettement renforcé dès 2016, bénéficiant ainsi d’une augmentation du chiffre d’affaires global de 10,5% entre 2015 et 2016. « Le secteur de la sécurité privée compte environ 9 000 entreprises, dont les deux tiers sont unipersonnelles, détaille le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Elles emploient environ 170 000 salariés pour un chiffre d’affaires de 6,6 milliards d’euros. » Le métier est donc en tension et attire de nombreux candidats. En 2016, selon l’Insee, la profession a connu 7 500 créations nettes d’emploi.
Contraintes réglementaires
En application de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, l’activité de sécurité interne de l’entreprise impose que l’exploitant individuel ou la personne morale soit titulaire d’une autorisation administrative et que les salariés y participant, même non exclusivement, possèdent une carte professionnelle individuelle. « Le Cnaps détient une mission de police administrative qui vise à réguler l’accès au marché en soumettant toute personne, physique ou morale, souhaitant exercer une activité de sécurité privée à une autorisation, précise sa direction. Depuis 2016 et l’intégration du champ des organismes de formation, c’est ainsi l’ensemble de la chaîne de la sécurité privée qui fait l’objet d’une enquête administrative. » Celle-ci vérifie, pour les personnes physiques, l’aptitude professionnelle ainsi que la moralité du demandeur.
Besoin d’étendre le contrôle de moralité
A l’issue de l’enquête administrative, une commission locale d’agrément et de contrôle (CLAC), parmi les treize existantes sur le territoire national, décide de la délivrance ou non du titre. Elle peut aussi retirer ou suspendre une autorisation en cours de validité. « Ainsi, toute entreprise ou organisme de formation doit-il se voir délivrer une autorisation d’exercice ou une autorisation de fonctionnement pour les services internes de sécurité », résume la direction du Cnaps. En 2017, celui-ci a reçu 125 448 demandes et a donné une suite favorable dans 113 134 cas. Tous les cinq ans, ces autorisations doivent être renouvelées et nécessitent une mise à jour des compétences dans le cadre de la formation continue. « La carte professionnelle n’est, à ce jour, pas requise au sein de la filière incendie, regrette Claude Tarlet, président de la Fédération française de la sécurité privée. Nous espérons fortement, pour des raisons de prévention de la menace terroriste, qu’elle sera prochainement intégrée dans le champ du contrôle du Cnaps. Cela n’a pas de sens de contrôler les agents qui filtrent les entrées, quand ceux qui possèdent tous les accès aux secteurs les plus sensibles d’un bâtiment ne subissent aucun contrôle de moralité. »
Difficulté à recruter
Malgré la demande grandissante, les entreprises témoignent à l’unanimité de difficultés à recruter. « Agent de sécurité, c’est un métier considéré comme facile d’accès, qui exige seulement 140 heures de formation obligatoire, explique Daniel Bourdon, président de l’entreprise Avenir Sécurité, basée à Rennes (35), qui emploie une centaine de salariés et affiche un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros. Quand l’agent arrive à son poste, il faut compter entre deux et quatre jours de formation complémentaire sur site. Il s’agit, malgré ce que s’imaginent les candidats, d’un métier qui se professionnalise et je préfère parler de techniciens plutôt que d’agents. En outre, nombreuses sont les contraintes du métier : travail de nuit et de week-end. » La convention collective fixe un temps de travail maximum de 48 heures par semaine et 12 heures par jour. Elle garantit aussi un temps de repos de 11 heures entre deux vacations. Reste que ces contraintes sont mal perçues par les salariés. En 2016, 155 800 embauches ont été enregistrées dans les entreprises de la profession, soit un taux d’embauche de 93%, selon l’Insee. Les taux de départs sont également très élevés : 148 300 en 2016.
Compétences requises
Concernant les compétences clés, la probité est une qualité indispensable. Outre toutes les qualités attendues d’un entrepreneur, les dirigeants des entreprises privées de sécurité doivent maîtriser un environnement légal et réglementaire complexe, en évolution constante. L’encadrement, lui, doit connaître les sites, les objectifs et les contraintes opérationnelles des missions confiées par les clients. « Le métier premier d’un responsable d’exploitation ou d’un chef de poste est le respect du cahier des charges du client, argue Daniel Bourdon d’Avenir Sécurité, qui emploie six encadrants. L’entreprise a vendu une prestation et doit prouver au client que ses attentes sont correctement réalisées en termes de recrutement, de formation, de mise en place de l’agent et de son contrôle pendant la prestation ainsi que du matériel nécessaire. La traçabilité et la transparence de la mission étant notre priorité, nous avons développé avec la société B2O (Rennes) un logiciel qui permet au client de suivre la prestation et de vérifier, par exemple, que les deux rondes ont bien été effectuées dans la nuit, grâce à des pastilles NFC que flashe l’agent. »
Pour les agents, les capacités d’attention et de sang-froid sont essentielles. Les recruteurs apprécient leur capacité d’écoute, d’anticipation et de réaction. « En cas d’anomalie, le salarié doit analyser le degré de risque et réagir en conséquence, ajoute Daniel Bourdon. Appeler les pompiers, se tenir à leur disposition pour les guider, éteindre des alarmes techniques, empêcher une intrusion, éteindre un petit feu, baliser la zone pour éviter les sur-accidents. » Quant aux salaires, ils sont indexés sur une grille négociée de manière paritaire. Le principal coefficient d’entrée, le coefficient 120, offre un salaire mensuel de 1 482,51 euros bruts. Le niveau de compétence et l’ancienneté offrent une évolution dans la hiérarchie de la grille des salaires. Avenir Sécurité rémunère entre 1 800 et 2 000 euros bruts son personnel d’encadrement et entre 1 482,51 et 1 600 euros bruts ses agents. Comme dans beaucoup de métiers nécessitant d’assurer une présence permanente, les rémunérations augmentent considérablement pour ceux qui choisissent des plages horaires élargies ou des missions nocturnes.
Polyvalence nécessaire
Selon l’article L. 612-2 du Code de la sécurité intérieure, les missions de sécurité sont exclusives de toute autre mission. Ainsi les agents de surveillance ne peuvent-ils pas assurer des missions sans lien avec la sécurité comme le nettoyage ou autres travaux de maintenance. « Néanmoins, dans la pratique, il arrive que des missions annexes soient confiées aux agents, à la demande des clients, souligne Claude Tarlet. Nous souhaitons mieux reconnaître cet état de fait – tant qu’il demeure compatible avec la mission première – et valoriser à terme la polycompétence, synonyme d’élévation dans l’échelle sociale. » Mais cette tendance présente plusieurs problèmes. A commencer par l’absence de revalorisation de la rémunération et des frontières entre mission de sécurité et d’accueil commercial, par exemple, qui se font plus floues. « En pratique, les agents sont souvent inoccupés, reprend Daniel Bourdon. Des missions complémentaires, comme vérifier les positions de certaines vannes ou contrôler les températures, relever des cycles de machines, pendant la ronde du salarié, peuvent s’ajouter selon les demandes du client qui externalisent des fonctions auparavant effectuées en interne pour se décharger et pouvoir sanctionner le cas échéant. C’est un bras de fer constant avec le donneur d’ordres pour rémunérer ce type de missions. »